CES FEMMES QUI COMPTENT
Soeur Marie-Thérèse Brigit Mewoulou
Cette Camerounaise a fondé
les Centres d’accueil de l’espoir

association de soutien aux orphelins du sida.

Les orphelins de Calcutta avaient mère Teresa, ceux de Yaoundé ont soeur Brigit. Cette Camerounaise de 52 ans se consacre en particulier aux orphelins du sida et aux personnes infectées par le VIH. Au-delà de sa troublante ressemblance avec la chanteuse Cesaria Evora, on devine chez cette femme discrète et résevée une énergie, une volonté et une générosité sans faille. Celle qui se déclare " scoute de naissance ", ainée d'une famille de huit enfants, entre très jeune au couvent, puis devient religieuse à 22 ans. Après un BTS comptabilité-gestion, elle est détachée à la conférence épiscopale en tant que cornptable, puis nornmée directrice du collège de la Congrégation de Yaoundé.

C'est en 1990, lors d'un voyage en Ouganda, où elle constate l'ampleur de l'épidémie et voit les religieux s’impliquer auprès de ses victimes, qu'elle décide de fonder une association à Yaoundé: la vocation est née, les Centres d'accueil de l'espoir seront créés peu après. Au début, soeur Brigit se heurte à l'ignorance et à l'incompréhension: les Camerounais n'étaient pas informés sur le sida, les médecins n'en parlaient pas. Au mépris des préjugés, elle travaille dans les quartiers et amène les enfants à l'hôpital. Cela ne se faisait pas à l'époque. Les malades se cachaient, je les approchais incognito en civil".
Trente permanents et cinquante bénévoles oeuvrent aujourd'hui à ses côtés, une équipe d'éducateurs travaille jour et nuit dans les relais de proximité, au coeur des quartiers vulnérables de la capitale. Plus d'une quarantaine d'orphelins dont les parents sont morts du sida bénéficient chaque année d'une prise en charge complète. D'autres enfants défavorisés sont suivis au sein même de leur famille. :  " Ils sont vulnérables, des maux les guettent tels que la prostitution ou la délinquance. Nous les inscrivons à l’école ou bien nousles aidons à suivre une formation professionnelle pour aider à leur insertion. "

Mais les financements demeurent insuffisants pour l'association, qui se débrouille tant bien que mal: " Nous avons une petite source de revenus stable, sept hectares d'une palmeraie qui produit de l'huile que nous commercialisons. " À cela s'ajoutent divers dons en nature (riz, savon, etc.) et quelques soutiens extérieurs tels que la subvention du ministère des Affaires sociales ou la dotation de l'Église du Luxembourg, mais ils restent ponctuels et ne représentent qu'une petite partie des fonds nécessaires.
Le gouvernement camerounais attribue en 2003, pour la première fois dans l'histoire du pays, l'agrément ONG à l'association de soeur Brigit, qui fait désormais figure de pionnière. " Cela fait chaud au coeur. Il ne nous aide pas assez, mais, au moins, il y a de la reconnaissance " se félicite-t-elle.

Depuis août 2004, les Centres d'accueil de l'espoir ont adopté les nouvelles méthodes préconisées par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) pour une meilleure prévention, sensibilisation et prise en charge des malades. Dans ce cadre, soeur Brigit a suivi au Rwanda une formation spécifique du Pnud, intitulée,  "Conversation communautaire ""; Cette approche, qui se veut plus rigoureuse et scientifique que les campagnes classiques de lutte contre le sida, pose comme préalables à toutes les actions sur le terrain: 1. l'observation de l'environnement psychosocial des différentes couches de la population; 2. la connaissance de leur passé ou " mémoire communautaire" , 3. l'identificafion des lieux ou " cadre communautaire " pour localiser les points propices soit à la contamination, soit à la prévention . (bars, hôtels, dispensaires, stades ... ). Soeur Brigit a toujours été convaincue que, pour sensibiliser réellement au problème du sida, "  il faut d'abord instaurer une relation de confiance. Je ne parle pas du préservatif, mais je fais mon travail.. "
Il y a le discours, la méthode... et le dogme.

Première association camerounaise à se voir décerner le label ONG, première également à bénéficier du soutien technique du Pnud, les Centres d'accueil sont la preuve par excellence que, même avec peu de moyens, mais beaucoup de ténacité, il est toujours possible d'agir. En 2002, à sa grande surprise, le consul de France remet à soeur Brigit un décret signé par le président Jacques Chirac: son engagement personnel lui a valu d'être décorée chevalier de l'Ordre du mérite. Juste distinction pour une femme de coeur dont les valeurs de fraternité et de solidarité délivrent un beau message de foi et d'humanité.
texte de :
Yasmina Lablou
L’intelligent, Jeune Afrique
8 mai 2005 N° 2313 ; p. 45

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