Rencontre décembre 1998



R éunion au petit local, qui sert de bureau et de lieu d'accueil. La Sœur m'a montré le matériel pédagogique et d'information qu'elle utilise pour la sensibilisation et la formation des bénévoles des antennes. En refléchissant avec la Sœur sur son travail et sur l'aide que l'Europe et les pays du nord pourraient apporter, il semble que le misérabilisme ou la pitié serait la pire des choses. Il faut trouver le niveau d'intervention qui passerait forcément par une insertion et une très bonne connaissance du terrain, des traditions, et des références culturelles.
Concernant le problème du sida, le fossé entre le nord et le sud s'est encore agrandi.
La maladie n'est pas nommée en tant que telle. Elle se cache et se travesti derrière de multiples symptômes, dans les champs fertiles que sont la malnutrition, le manque d'hygiène et d'éducation sanitaire, sociale et sexuelle. Ici, les Camerounais disent que c'est "une maladie inventée par les blancs".

L'appui apporté par le Père Frioux permet de rechercher de nouveaux contacts, de faire connaître l'association en Europe (principalement en France), mais l'aide ponctuelle est minime. L'association est en contact avec la grosse machinerie internationale (ONUSIDA) et les différents services de coopérations installés à Yaoundé. La principale difficulté est de trouver des personnes compétentes et engagées au sein des ministères camerounais concernés à qui l'on délègue la gestion des fonds et des aides envoyées par le nord. La pratique du backchich est monnaie courante, le racisme ethnique et l'intérêt personnel font que 90 % des dossiers de demandes sont bloqués ou enterrés.
Vous trouverez, ci-après, plusieurs pistes d'intervention et de soutien que votre association pourrait apporter à des Camerounais engagés dans la lutte contre le sida et les MST :
A) Le centre d'accueil des orphelins (voir ci-après le Budget prévisionnel) : c'est une structure nécessaire pour tous ces enfants orphelins qui se retrouvent abandonnés. Il permettra de soulager les équipes de bénévoles, tant dans leur travail de suivi que financièrement. Le seul problème est qu'une fois l'accueil commencé, il faut en assurer les charges de fonctionnement qui sont estimées à Fr. 25.- par mois et par enfant. La capacité du centre étant de 30 à 40 enfants, il faut pouvoir compter sur Fr. 1 '000.- par mois.
B) La prise en charge externe : pour les familles et les enfants qui peuvent encore vivre au quartier. Une formule de parrainage pour un enfant ou une famille pourrait facilement être mise en place et suivie par les bénévoles de l'association. Cette forme d'appui permettrait, par une bonne information réciproque, à une personne ou une famille du nord, de suivre mieux le don qu'il a fait et de le personnaliser.
C) L'appui à la mise en place d'activités génératrices de revenus C'est un des cheval de bataille de la Sœur Brigit, qui sait que l'aide et les dons peuvent à tout moment être supprimés. Il faut donc créer des activités qui permettront petit à petit de couvrir les charges de fonctionnement et pourront parallèlement permettre à des femmes encore valides d'assumer leur famille quand le père n'est plus là. Actuellement, le projet est de mettre en place des cabines téléphoniques (ici, on les appelle des "télé- boutiques"). L'investissement de départ est de Fr.S. 2'500.-. Cela permettrait de faire vivre le ou la gérante tout en assurant un revenu à l'association. Il faut savoir que peu de particuliers ont le téléphone, que cela coûte très cher de se le faire installer et que les délais d'installation, lorsqu'on n'a pas les moyen de "graisser les pattes" sont au minimum de 6 mois et que cela peut aller jusqu'à 3 ans. Certains n'y arrivent pas. L'unité téléphonique est vendue par la compagnie camerounaise à 45 Fcfa et est revendue aux clients 100 Fcfa.

L'association s'est déjà lancée dans 2 activités qui permettent quelques revenus : la vente de bouteilles de gaz et la vente de sacs de ciment. Elle a un marché protégé avec un des pères de la mission de Yaoundé, responsable des travaux de construction qui les lui rachète à prix fixe.
Malheureusement, une fois déduits les frais de location du véhicule de transport, la main-d'œuvre de chargement et déchargement, il ne reste plus grand chose. Sans compter que ce ne sont pas des activités envisageables pour des femmes, parce que c'est lourd et pénible. Le seul avantage est que ce sont des quantités faciles à compter et que cela entraîne une comptabilité facile à contrôler. C'est un paramètre important ici, car le vol et la tricherie est un sport national. La Sœur ne peut et ne veut pas passer son temps à faire de la vente et à surveiller.

Voilà ce que je peux vous dire aujourd'hui au sujet des activités et des projets de l'association "Les Centres de l'Espoir", à partir de ce que l'on m'a dit et de ce que j'ai vu.
Vincent Pierret
dans la presse...   Page 1